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Interview du tromboniste Michel Becquet



becquet-michel-gigapixAujourd’hui, pleins feux sur le trombone, à travers la carrière d’un des principaux interprètes et enseignants de notre temps. Une carrière exceptionnelle : lauréat des grands concours internationaux (Genève, Prague, Munich, Toulon), trombone solo à la Suisse Romande (à 18 ans), puis à l’Opéra de Paris. Enseignant durant 41 ans au CNSM de Lyon (1981-2021, sans compter les années à Cologne et Lausanne). Chef permanent des « Cuivres français », directeur d’une collection de partitions, conseiller artistique d’un fabricant français, ... On ne peut tout citer !

A la retraite du CNSM de Lyon depuis la rentrée 2021, il revient sur quelques temps forts d’une vie musicale bien remplie… et fort diversifiée !


"Mon père était corniste à Limoges (Conservatoire, orchestre de l’O.R.T.F.), puis à l’orchestre de Marseille.  J’ai donc baigné tout petit dans un univers musical. J’ai commencé par le piano, fait un peu de cor avec mon père. A huit ou neuf ans, c’était sur un petit cor Couesnon. Et c’est en écoutant mon cousin Jean Jeudi que j’ai flashé vers 10-11 ans sur le trombone, et pris des cours avec lui."

Le Conservatoire de Paris à 15 ans
"J’étais allé écouter le concours de sortie de 1968, ce qui m’avait donné l’envie de me présenter l’année suivante. A la grande surprise de mes parents, j’ai été admis. Cela voulait dire quitter sa ville natale pour aller aux cours, et c‘était compliqué aussi pour l’enseignement général qui restait à Limoges. Dans la classe de Gérard Pichaureau, professeur de 1960 à 1982, mes condisciples étaient Branimir Slokar, Alain Manfrin, Gilles Millière et Jérôme Naulais."

L’évolution de la facture instrumentale pour le trombone
"Les Américains jouaient déjà un trombone « grosse perce » ;  la facture allemande avait plutôt de gros pavillons. J’ai joué un Couesnon, puis un Courtois. G. Pichaureau était essayeur Courtois, donc on avait tous cette marque à la classe.
Petit à petit, notre école française s’est rapprochée des instruments américains. J’ai été un des premiers à franchir le pas avec Jean Douai (Orchestre national), qui avait un trombone américain (Bach).
Dans les années 80-90, avec M. Gaudet, Gilles Millière et l’équipe de Courtois, j’ai développé un trombone qui allait dans cette direction. Aujourd’hui, la marque fait partie du groupe Buffet-Crampon, c’est un soutien fort pour la distribution. J’ai développé un modèle avec une grande facilité de jeu, et une coulisse plus légère. On a aussi travaillé sur le pavillon en cherchant un son d’orchestre plus consistant, qui « reste » et qui porte. Il existe aussi une version cristal pour soliste, avec moins d’épaisseur.
Le contact avec de grands chefs internationaux (Maazel, Solti, etc.), les voyages, l’écoute et le fait de jouer dans des salles de plus en plus grandes a également joué dans cette évolution, qui avait commencé au XXe siècle avec les Français partis aux U.S.A. : les grands chefs (Munch, Paray, Monteux, …) qui a leur tour voulaient des bois et cuivres français (les trompettistes René Voisin puis son fils Roger à Boston seront parmi les premiers).
Cette évolution a conduit à une certaine homogénéisation des pupitres, comme dans les autres instruments d’ailleurs."

Les concours internationaux
"A l’époque où je passais des concours, les écoles nationales étaient reconnaissables, et il n’y avait pas de paravent ou très peu. Ces compétitions ont permis la reconnaissance de l’école française à l’étranger. Les Français ont toujours tiré leur épingle du jeu, même si le niveau est monté partout dans le monde aujourd’hui et que la concurrence est plus difficile… Concourir au plan international est un facteur important car cela vous permet de progresser en raison de l'énorme travail que cela demande. Cela offre également la possibilité de rencontrer de nombreuses personnes. Et c'est toujours l'occasion d'approfondir les possibilités du trombone…
En France, on a toujours eu plus l’habitude de jouer très tôt en soliste, même si ce n’est pas aussi souvent que l’on voudrait… Les Anglais ou les Allemands, eux, ont été plus pionniers dans l’expérience du travail d’ensemble.
Grâce à mes prix internationaux, j’ai pu avoir des opportunités de concerts, de croisières musicales. La notoriété de Maurice André a aussi beaucoup aidé à la reconnaissance des cuivres dans le paysage musical, comme Rampal pour la flûte."

L’école française : êtes-vous d’accord avec cette citation de Jean Raffard : « Le concept d’école française repose sur la qualité et la pureté du son, le soin apporté à l’intonation et la recherche d’un style propre à chaque pièce. Cela implique une large diversité de détachés et d’articulations. A cela s’ajoute toujours la recherche d’une touche personnelle, dont Michel Becquet et Gilles Millière sont l’illustration parfaite. La position de la France est très forte dans le monde et a influencé de nombreux pays : l’Espagne, l’Italie, le Japon, la Belgique, … grâce à de grandes personnalités comme Gérard Pichaureau, André Lafosse, Gabriel Masson, Henri Couillaud notamment. »
"Je suis assez d’accord : la clarté de l’articulation a été une recherche constante de notre école. Regardez Maurice André par exemple, ou encore les clarinettistes, un milieu que vous connaissez bien. Ce qui est certain, c’est que notre répertoire, des solos de concours au contemporain, est souvent très virtuose."

Le répertoire
"Il y a bien sûr l’apport des commandes du Conservatoire de Paris, sous forme de solos de concours, qui a été d’une grande aide, notamment pour les vents. Pour le trombone, dans notre répertoire français, il y a par exemple La Cavatine de Saint-Saëns, Guilmant, Honegger, Ropartz, Dutilleux, Marius Constant, Landowski, et tant d’autres ; le répertoire du trombone est riche et diversifié. Et il y a un répertoire plus ancien, XVe - XVIIe, avec le baroque (j’ai collaboré notamment avec les Sacqueboutiers de Toulouse) ; quant au CNSM de Lyon, il y a eu la création d’un Département de musique ancienne…
Il y a aussi des concertos comme celui de Ferdinand David, violoniste ami de Mendelssohn, encore aujourd’hui au programme des concours d’orchestre… et au concert. Lorsqu’on m’en a offert la possibilité, j’ai essayé de montrer ce que l'instrument peut faire, d'abord une œuvre baroque ou classique, et ensuite quelque chose de plus moderne. Par exemple : une combinaison du Concerto d'Albrechtsberger avec la Ballade de Frank Martin.

Dans vos premières actions, la constitution d’un quatuor de trombones ou d’ensembles de cuivres servait à agrandir le répertoire par de nouvelles pièces ou des transcriptions, mais aussi à faire connaitre le trombone à un plus large public ?
qr trombones de parisLa création du Quatuor de trombones de Paris avec Jacques Fourquet, Alain Manfrin et Gilles Millière a permis d’accroître la connaissance de l’instrument auprès du grand public en France et dans le monde. Grâce à un répertoire constitué de pièces originales et de transcriptions.
Aujourd’hui, on assiste à un manque de soutien des médias pour la musique classique à une heure de grande écoute : la culture est moins bien représentée qu’au Japon, en Scandinavie, en Allemagne (où on passe même le concours de Munich à la TV…). C’est bien dommage pour nos jeunes qui ne voient pas d’exemples à suivre comme dans les années 1970. Heureusement, les Japonais notamment continuent à inviter la belle école française d’instruments à vent.
Quant aux chefs d’orchestre, ils sont rarement motivés pour accompagner un soliste. J’ai souvent préféré jouer de la musique de chambre avec des copains

L’enseignement
J’ai passé quarante magnifiques années au CNSM de Lyon : beaucoup de satisfactions avec les élèves, entouré de collègues très compétents. Et j’ai enseigné en parallèle durant une dizaine d’années à la Musikhochschule de Cologne. J’ai enseigné aussi quelques années à la Haute École de musique de Lausanne. En France, on a peu d’écoles supérieures comme dans ces pays, avec deux CNSM, quelques pôles supérieurs, et souvent moins de moyens.

L’avenir du trombone et des vents en France ?
Je suis assez optimiste, au moins sur un point : dans tous les instruments à vent, on est mieux formés ; l’enseignement a beaucoup évolué, avec plus de cours collectifs et de musiques d’ensembles. Grâce à d’anciens élèves, on essaie actuellement d’augmenter l’offre de concours internationaux avec un nouveau concours en 2023 (1).
J’espère aussi que les harmonies amateur et professionnelles continueront à fournir aux vents un débouché et un public, que les brass bands se développeront. Il nous faut aussi plus de chefs de la stature de Claude Kesmaecker ou Philippe Ferro pour porter la bonne parole… Et enfin j’espère que les orchestres à l’école donneront l‘occasion aux jeunes de découvrir nos instruments !

Jean-Marie PAUL

(1)    Le concours « Michel BECQUET International Trombone Competition » se déroulera du 12 au 16 avril 2023 au  Luxembourg à Clervaux et Marnach et sera présidé par Michel Becquet et un jury prestigieux composé de sept trombonistes  internationaux. Le concours est intégralement ouvert au public et ce, gratuitement. Lors du concours, il y aura aussi quatre concerts exceptionnels (infos sur le site de Michel Becquet https://www.michelbecquet.fr et sur la page Facebook https://www.facebook.com/MichelBecquetITC ).

*** POUR EN SAVOIR PLUS :

- sur Michel Becquet (biographie, discographie) : https://fr.wikipedia.org/wiki/Michel_Becquet ; vidéos : https://www.michelbecquet.fr/vidéo (voir aussi sur youtube) ; biographie et instruments sur le site Courtois : https://www.a-courtois.com/en/artist/michel-becquet

- Collection Michel Becquet aux éditions Robert Martin :

- sur le trombone en général : https://lesitedutrombone.fr. Beaucoup d’infos sur ce site réalisé par Nicolas Moutier (histoire, facture instrumentale, solistes et professeurs, le répertoire, extraits audio et vidéo, lauréats du CNSM et de concours internationaux).  Il y a aussi une page Facebook : https://www.facebook.com/lesitedutrombone


J.M.P.