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Jean-Marie Paul

Figure incontournable chez Vandoren



jean-marie paulLors de mon passage au festival Clarinetfest à Ostende en juillet, j’ai eu le plaisir d’un échange avec une personne bien connue de bon nombre de clarinettistes et saxophonistes, Jean-Marie Paul qui s’est prêté bien volontiers au jeu de l’interview au cours duquel il s’est un peu dévoilé et a livré quelques réflexions sur la musique et également sur la place qu’occupent les instruments à vent aujourd’hui.
C’est une personnalité incontournable, puits de connaissances, amoureux de la clarinette et de son répertoire, passionné par les artistes qui le lui rendent bien. 
Pour ceux qui ne le connaîtraient pas encore, Jean-Marie Paul est chargé de la communication et de l’Espace partitions pour la clarinette et le saxophone dans l’entreprise Vandoren. Il a également un rôle de conseiller auprès des artistes pour leurs programmes de concerts. Il lui arrive aussi d’écrire des livrets de CD.
Le fonds de l’Espace partitions de Vandoren est pour l’essentiel constitué de partitions du répertoire dit « classique », surtout en ce qui concerne la clarinette. En plus du classique, le saxophone, lui, a un répertoire jazz un peu plus fourni.
Chercheur insatiable, il a fait de belles trouvailles qui ont enrichi le répertoire de la clarinette. 
Sa devise est qu’il n’y a ni petits musiciens, ni petites musiques. Tous et toutes ont le droit d’exister et ont leur place dans les partothèques et surtout dans les programmes de concert.
Pourquoi ne pas exhumer certaines pièces qui peut-être de prime abord n’ont pas d’intérêt commercial évident ? Pourquoi laisser dans l’oubli certains compositeurs qui n’ont pas pu atteindre une notoriété suffisante ?
Il s’est attelé à cette tâche pendant toute sa carrière, dénichant des pièces qui peuvent paraître insignifiantes mais qui désormais font partie du répertoire et ont trouvé une petite place à côté des grandes œuvres incontournables. Ses découvertes permettent d’enrichir et d’éveiller la curiosité des musiciens. 


Jean-Marie Paul : « Il est important d’élargir le répertoire de la clarinette pour que les musiciens ne se cantonnent pas aux seuls compositeurs et aux œuvres reconnues. Pour moi il n’y a ni petits compositeurs, ni pièces mineures d’ailleurs. Je peux donner l’exemple d’une pièce pour 2 clarinettes, 2 bassons et piano de Leonard Bernstein. Le Fonds Bernstein n’a pas souhaité l’éditer. De quel droit avant que les musiciens n’aient pu se prononcer ? Proposer des œuvres dans une formation atypique pourrait permettre de susciter des envies. Il y a aussi certaines partitions qui ont disparu comme c’est le cas avec une partie des œuvres de Paul Jeanjean. C’est bien dommage ! On se prive d’un certain répertoire. »



Ce dénicheur de raretés a d’autres cordes à son arc. Son rôle est également d’aider les artistes à promouvoir leur talent. 



J.M.P. : « Aujourd’hui en France, nous avons des artistes d’exception, des musiciens talentueux mais souvent ils ne savent pas promouvoir leur talent, et n’ont pas toujours une stratégie de communication et suffisamment à l’avance, c’est très important pour les lieux occasionnels (églises, cafés, etc.) qui n’ont pas de structure de com. Ils pensent à un programme, le travaillent et se demandent parfois au dernier moment qui informer. Heureusement internet a raccourci les délais de la Poste. On peut les aider à faire connaitre leurs activités par e-mailing dans la communauté de l’instrument car c’est le milieu qu’on connait. Il y a aussi Facebook où sont présents d’autres instrumentistes, des compositeurs, des étudiants et amateurs, etc. »



Son parcours est atypique. Après des études universitaires à Grenoble et à Lyon, son premier poste a été conservateur de bibliothèque universitaire à Strasbourg. Jean-Marie Paul a été également clarinettiste amateur, notamment dans des harmonies. Il a été embauché chez Vandoren lorsque des locaux se sont libérés à Paris. Un Espace de partitions pour clarinette et saxophone a alors été créé. C’était il y a 25 ans.
 A la suite d’une opération de la mâchoire, l’abandon de la pratique de la clarinette l’incite à lancer un « Clarinette magazine » de 1984 à 1998 – arrêté faute de temps - pour lequel il réalisait de nombreuses interviews et il a écrit de nombreux articles. Il constate amèrement qu’il n’existe plus de magazine sur cet instrument.

J.M.P. : « En France on a une conception « manuelle » de la musique. On sépare les musicologues des praticiens. Contrairement aux USA où les professeurs écrivent des articles. Ce qui permet de passer beaucoup d’informations. »

Son travail ne s’arrête pas là. Depuis 2012, il est président en France de l’association I.C.A. (International Clarinet Association) succédant ainsi à Guy Deplus. Cette association est née aux États-Unis. Même si elle se veut internationale, les adhérents sont en majorité américains. Les Français, eux, sont encore très peu représentés. Elle organise des événements comme ClarinetFest, publie un magazine trimestriel « The Clarinet » (certes en anglais). Au sein de cette association il écrit régulièrement des articles pour le magazine et informe les étrangers par une rubrique « News from France ».

Un jour il devra céder sa place pour partir à la retraite. Mais qu’à cela ne tienne, l’aventure pour lui continuera avec l’immense projet d’élaborer un livre sur la clarinette en France, axé sur les compositeurs et leurs œuvres, les éditeurs, les interprètes, les fabricants, des origines à nos jours. Cet ouvrage représentera une mine d’informations. Mais également il réalise depuis 40 ans un catalogue mondial des œuvres avec clarinette qui comptent déjà plus de 50 000 œuvres. Le moyen de diffusion n’est pas encore défini.

J.M.P. : « Le but est de mettre en valeur les interprètes, le répertoire. Les éditeurs ont un rôle à jouer pour faire revivre certaines œuvres et sortir de l’oubli certains compositeurs, surtout qu’une grande partie est tombée dans le domaine public. Il faut faciliter les choses aux musiciens pour qu’ils aient envie de les programmer. Les grands éditeurs se sont trop souvent concentrés sur ce qui marche.

Aujourd’hui nous constatons un certain manque de reconnaissance des instruments à vent. Il suffit de regarder la programmation des concerts, que ce soit dans les grandes salles parisiennes ou en province. Tous ceux qui pourraient aider à promouvoir la musique pour instruments à vent ne le font pas ou trop peu, que ce soit les organisateurs de concerts, les radios ou les télés. Il y a une sorte de snobisme culturel regrettable. Ma conviction est que le monde culturel aujourd’hui est dans « le tout ou rien » ! » 
Tout d'abord ans la diffusion de l’information : J’ouvre un dictionnaire de compositeurs, 2000 pages, zéro ligne sur Bozza (ce n’est qu’un exemple). La plupart de nos compositeurs sont connus et joués dans le monde entier, chez nous on les ignore, en particulier s’ils sont plutôt spécialistes des instruments à vent. Ostracisme musical ou méconnaissance, le résultat est le même.
Mais aussi dans la diffusion des œuvres elles-mêmes, notamment solistes. Il est difficile de programmer en France un concerto français XXe siècle (hormis le contemporain, qui a ses canaux propres).

Le milieu de la musique classique est trop formaté. Il y a une nécessité à programmer aussi de la musique « crossover » (jazzy, Piazzolla, klezmer, etc.), de la musique de film dans les concerts pour attirer un nouveau public si l’on ne veut pas voir les salles de concert désertées, ce que les orchestres d’harmonie ont compris depuis longtemps.
 Je prendrai l’exemple de Franck Pourcel, chef d’orchestre et compositeur, qui a été précurseur en la matière. Il arrangeait également des airs célèbres, classiques ou variétés. Cela lui permettait de faire des tournées au Japon à une époque où les instrumentistes solistes n’étaient même pas encore invités là-bas comme aujourd’hui.

Mais je reste très optimiste. La musique a un bel avenir devant elle. Il n’y a qu’à voir l’expérience des orchestres à l’école. Les enfants n’ont aucun a priori négatif sur les instruments, connus ou pas (je me souviens d’une OAE en Z.E.P. où tous les instruments ont été pris). Ils sont curieux par nature. Pour la musique c’est la même chose, on peut leur faire jouer tous les styles. Les futurs musiciens et le futur public sont parmi eux. Ne l’oublions pas ! »


 


C.F.