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Un Frenchie so British au Cornet MIb

Benjamin Richeton



Le monde des Brass Bands
avec stavanger brass band au french open 2013Le grand public français découvre en 1997 l’univers des Brass Band grâce à la sortie du film les Virtuoses (Brassed off) du réalisateur anglais Mark Herman.
La bande son est enregistrée par le Brass Band Grimethorpe Colliery Band dont le scénario relate l’histoire de ces musiciens amateurs et mineurs qui souffrent de la fermeture de leur mine.
A la même époque, un jeune spectateur français de 7 ans, Benjamin Richeton découvre le piano, dans son village de Franche-Comté, Gray. Il choisira de faire de la trompette et du cornet à pistons… et découvre le Brass Band grâce à son premier professeur Pierre-Marie Budelot.
Qui à l’époque aurait parié qu’un jour un jeune français deviendrait cornet solo du Grimethorpe Colliery Band basé à Manchester. Benjamin l’a fait !
Plus étonnant encore, Benjamin devient un spécialiste d’un instrument très éloigné du jeu des trompettistes et cornettistes français, le cornet soprano en mib.

Actuellement, Professeur de cuivres à Manchester en Grande Bretagne, à 23 ans, Benjamin Richeton sillonne également l’Europe, sollicité comme cornettiste soprano par les meilleurs brass bands européens, sous la direction de chefs renommés.

Nous avons rencontré Benjamin Richeton à l’Open de Brass Bands d’Amboise qui concourait avec le Stavanger venu de Norvège.

Entretien avec Benjamin Richeton
Benjamin, comment as-tu découvert le cornet mib ?
A Gray, tout simplement lorsque le Brass Band Sagona dirigé par Pierre-Marie Budelot a eu besoin d’un nouveau cornettiste soprano... J’ai été tenté par l’expérience, j’avais 13 ans je crois. J’étais loin de m’imaginer à ce moment là ce qui m’attendait musicalement parlant !
A l’aise dans le registre aigu, je m’affirme sur cet instrument.
Un des beaux souvenirs avec ce Brass Band, c’est en janvier 2006 où j’enregistre le Concerto pour deux trompettes de Vivaldi avec le trompettiste virtuose Guy Touvron.
J’intègre en 2007, le Brass Band Européen des Jeunes pendant trois ans, en tant que cornet principal puis cornet soprano, et est ensuite invité au Brass Band National des Jeunes de Suisse en tant que cornet soprano.

A Manchester puis à Stavanger en compagnie de Sophie Budelot (saxhorn alto) et Blandine Budelot (cornet Sib), vous étiez alors les premiers français à vous intégrer dans cette formation européenne.

Se retrouver entre jeunes musiciens issus de l’Europe entière et qui partagent la passion du brass band est une expérience incroyable. On passe tout de suite au haut niveau, sous la direction de chefs aussi talentueux qu’exigeants en jouant dans les salles pleines dans différents pays d’Europe. J’ai lié aussi des amitiés fortes durant ces stages, dont un qui joue maintenant avec moi au Fairey Band ! Le monde du brass band est petit ! Il est vrai que l’EYBB a été un véritable déclic, j’ai su que c’était ce que je voulais faire, étudier et découvrir le monde du brass band.
benjamin richeton pm budelotAprès l’obtention du Diplôme d’Études Musicales au conservatoire de Chalon-sur-Saône ainsi que du Prix d’Excellence, je pars à la prestigieuse Université de Salford à Manchester (UK). Je me  perfectionne au cornet avec Brian Taylor, légende vivante du mouvement brass band jouant depuis 40 ans avec le Fairey Band, ainsi qu’à la trompette avec Jamie Prophet, 1ère trompette à l’Orchestre symphonique de la BBC. J’étudie aussi entre autres la composition et l’arrangement avec Peter Graham et la direction d’orchestre avec Howard Evans et David King.
Les professeurs instrumentaux sont issus des meilleurs brass bands tels que Mark Wilkinson (cornet) et Les Neish (tuba) du Foden’s Band, Sheona White (saxhorn alto), Brett Baker (trombone) et Gary Curtin (euphonium) du Black Dyke Band...

Quelles sont les spécificités de l’enseignement en Angleterre ?
Quelle fut ton expérience ?

En terme d’enseignement, l’Université forme des musiciens complets dans le sens où en plus d’y étudier la pratique instrumentale évaluée par des récitals individuels et collectifs, on y étudie la composition classique, contemporaine, jazz et populaire, la direction d’orchestre, tous les logiciels musicaux liés à la musique, l’enregistrement en studio, l’histoire de la musique... Aussi grâce aux différent ensembles de l’université, le brass band et le big band notamment, on participe à des tournées.
En gros, tout en apprenant l’histoire et le patrimoine du mouvement brass band, on y apprend à jouer avec ses principaux artisans. L’expérience Salford est unique en son genre, j’y ai aussi rencontré quelques uns de mes meilleurs amis.
De plus, l’université est située à Manchester, qui est d’une grande diversité sociale et musicale, notamment la musique populaire et le rock. C’est pour moi la ville idéale pour n’importe quel musicien... et certainement encore plus pour ceux qui aiment le foot !

Tu as suivi le parcours universitaire en Angleterre menant au bachelor puis au CAPES, quels sont les particularités de ce système par rapport à la France ?

En 2012, j’obtiens le diplôme de Bachelor of Music puis le PGCE. En Angleterre, le PGCE (l’équivalent du CAPES) est non pas un concours mais un examen continu d’une année très intensive qui comprend un emploi du temps d’enseignement dans plusieurs écoles, collèges et lycées, des dissertations et autres stages. Une fois le PGCE validé il faut faire les démarches soi-même pour trouver un emploi auprès d’un établissement scolaire, qui sont pour la plupart privatisés en Angleterre.
Parallèlement, je décroche les prix très convoités de l’Université comprenant celui de soliste (Harry Mortimer Performance Prize), de direction d’orchestre (Roy Newsome Conducting Prize) et de musique d’ensemble (Anne Welsh Memorial Award).
avec fairey band - british open 2012, symphony hall, birmingham

Maintenant, tu enseignes en Angleterre. Dans quelles structures ? As-tu eu le choix entre enseignement général de la musique (collège) et enseignement spécialisé (école de musique) ? Comment est organisé ton enseignement (cornet ou tous les cuivres) ? Quelles sont les grandes différences entre le système d’enseignement musical français et anglais ?
J’enseigne à l’école de musique de Wigan à côté de Manchester. Il faut savoir qu’en Angleterre le système d’école de musique ne fonctionne pas de la même manière qu’en France ; ici les élèves des écoles primaires, collèges et lycées qui veulent jouer d’un instrument reçoivent leurs leçons dans leur établissement scolaire. Pour faire simple, c’est l’établissement scolaire qui appelle l’école de musique locale pour organiser la venue d’un prof de façon hebdomadaire pour les élèves qui jouent d’un instrument. Je navigue donc entre environ 5 établissements scolaires par jour.
J’enseigne cornet, trompette, saxhorns et trombone en leçons individuelles, en groupe, ainsi qu’à des classes entières pour le projet « Orchestre à l’école » (Wider Opportunities) qui est la norme dans le Nord de l’Angleterre. On donne un cornet, saxhorn alto, saxhorn baryton, ou un trombone à tous les élèves des classes de CE1/CE2 à qui on enseigne une heure par semaine. Cela donne un mini brass band avec lequel on fait quelques concerts notamment pour le spectacle de fin d’année de l’école. Par ce fait tous les élèves disposent d’une base de pratique musicale et d’ensemble avant l’âge de 10 ans. Je pense que c’est là aussi la différence majeure entre la France et l’Angleterre, où la musique est considérée comme moins élitiste et plus accessible. Le résultat à long terme est que contrairement à en France où on forme des solistes, en Angleterre la mentalité de section, de jeu en pupitre est plus développée. Même si de brillants solistes tels le regretté Maurice Murphy ou Phil Cobb, maintenant trompette solo du London Symphony Orchestra, sont issus des brass bands. Les brass bands sont à l’image des harmonies en France, proches de la communauté et des classes populaires. N’oublions pas que la plupart des brass bands sont nés grâce aux mines et aux usines.
J’enseigne aussi dans quelques colos musicales en été, en Angleterre et en Irlande.

En Angleterre, les cornettistes soprano sont-ils des spécialistes de l’instrument ou au contraire jouent-ils le cornet et la trompette ?

Ce sont des spécialistes de l’instrument, mais la plupart ont commencé par le cornet. C’est, comme pour mon cas, souvent par hasard ou par accident qu’on se retrouve au soprano. La plupart des gens assez sains d’esprit ne s’approche pas de ce redoutable instrument ! Il faut sans doute une dose d’inconscience pour se faire accepter de cet instrument.

En Angleterre, le milieu Brass Band est-il concentrique ou ouvert sur d’autres pratiques (harmonie, symphonique, musique actuelle….) ?
Le mouvement brass band a été concentrique pendant très longtemps, c’est juste récemment qu’il s’est ouvert à d’autres pratiques. Dans les années 90 quelque chose de surprenant a eu lieu, le Fairey Band s’est associé à l’artiste contemporain Jeremy Deller pour créer Acid Brass, la fusion entre la musique acid house, associée à la culture rave, et le brass band ! Aussi, très récemment le Brighouse & Rastrick Band a enregistré un album avec le groupe de musique folk anglaise The Unthanks.
Enfin, de plus en plus de compositeurs de musique moderne et contemporaine s’intéressent au brass band, tels que Simon Dobson, élu compositeur britannique de l’année 2012, et des commandes sont créées lors notamment des Festivals de cuivres de Manchester.

Dans quelles formations (Brass Bands) joues-tu ? Quels sont les compétitions et Enregistrements ?
Je joue pour le Fairey Band qui est basé à Manchester. On peut avoir jusqu’à 5 concours dans l’année, le concours régional (Areas ou Regional) qui sert à se qualifier pour la finale au Royal Albert Hall à Londres (National Final), le concours de divertissement Brass in Concert, le concours national Anglais (English National) qui qualifie pour le championnat d’Europe, et enfin le British Open qui est considéré comme le concours de brass band au niveau le plus élevé.
Il y a aussi deux séries de concerts très importants, qui se déroulent dans les deux festivals de cuivres qui ont lieu à Manchester en Janvier et en Septembre. Nous enregistrons aussi en moyenne un album par an, qui peut être des morceaux de concerts ou basé sur un thème précis, contemporain ou autre, ainsi que parfois pour la radio BBC.

Comment le Stavanger en Norvège t’a-t-il sélectionné ?
Allan Withington (trompettiste à l’Orchestre philharmonique de Bergen et chef de Stavanger Brass Band), était le chef professionnel du Grimethorpe Colliery Band lorsque j’en faisais partie. Kevin Crockford était alors au cornet soprano (il l’est d’ailleurs toujours) et moi au rang des cornets solo, mais il m’arrivait parfois de le remplacer quand il ne pouvait assurer l’un des 60 concerts annuels. Stavanger est alors venu en Angleterre pour participer au concours de marches de Whit Friday et n’avait pas de cornet soprano pour ce concours. Allan Withington m’a donc demandé de les dépanner, ce que j’ai fait. J’ai donc été amené à jouer avec eux pas mal de fois depuis, notamment pour le concours national de Norvège, et Siddis Brass, concours de divertissement que Stavanger a remporté en octobre dernier.

Que ce soit en Angleterre ou en Norvège, les professionnels rémunérés au sein des brass bands sont-ils nombreux ? A quel pupitre ? Quelles différences d’investissement entre professionnels (rémunérés) et musiciens amateurs ?
Les musiciens étaient rémunérés à l’époque où les usines ou les mines parrainaient un brass band.
Maintenant seuls quelques brass bands disposent d’un partenariat qui leur permette de payer leurs solistes.
Pour certains musiciens amateurs, il s’agit juste du fait qu’ils ne gagnent pas leur croûte grâce à la musique. Les musiciens de brass band ont un travail à plein temps et donc n’ont évidemment pas la possibilité de répéter autant que les professionnels. Par contre les musiciens de brass bands font preuve d’un dévouement sans faille car pour beaucoup c’est leur passion, leur vie.
La plupart des musiciens ne sont pas payés par le brass mais ne vivent que pour le brass et ne manquent jamais une répétition. Regardez par exemple le Fairey Band, avec Brian Taylor qui en est à 40 ans dans le brass, dont 25 en tant que cornet principal, ainsi que Jimmy Leggat, environ 30 ans... Pour eux cela n’a jamais été une question d’argent. Ce dévouement et ces valeurs sont pour moi une réelle source d’inspiration.

Quels sont les chefs qui t’impressionnent ?

David King est incontournable. Déjà il a cette capacité à transcender un brass rien qu’avec sa présence, son aura. C’est super impressionnant. Ses interprétations sont aussi géniales et enivrantes, il arrive à lire dans la partition des choses que lui seul trouve. Il dégage une profonde musicalité, et son parcours en termes de concours de brass bands parle pour lui, ayant tout gagné à de multiples reprises.
J’aime beaucoup Russell Gray, qui est très orchestral dans son approche de la direction. Il dégage toujours une profonde musicalité. Il est d’ailleurs demandé partout en Europe.
Il y a Allan Withington qui est une bête, ultra-pointilleux, et sait toujours exactement ce qu’il veut... Il te le fait d’ailleurs rapidement comprendre ! Il peut te faire jouer une mesure trente fois de suite jusqu’à ce que le résultat lui plaise.
Enfin j’ai récemment été très impressionné par le jeune et talentueux chef suisse Michael Bach, qui prend une belle envergure avec le Leyland Band.

Quels sont tes projets (concerts, tournées, enregistrements) ?
Les concours habituels avec Fairey, ainsi que pas mal de concerts en Angleterre ainsi que des festivals de musique avec Acid Brass, qui a toujours un vif succès. On a récemment joué en Italie et en Autriche, ainsi qu’au jubilé de la Reine l’année dernière et nous sommes en contact avec un festival canadien pour 2015... En octobre je pars en tournée au Japon pour une série de concerts avec le Desford Colliery Band et quelques autres projets avec Stavanger.

Y.R.