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Trio d’Argent

30 ans de concerts-spectacles



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Le Trio d'Argent
Les flûtistes Michel Boizot, François Daudin Clavaud et Xavier Saint-Bonnet du Trio d’Argent fête cette année les trente ans de complicité musicale et créative.
Commencée en 1984, l’aventure conjugue un répertoire renouvelé pour les flûtistes et une conception novatrice du spectacle musical. Jamais à court d’idées, ils parcourent le monde et s’enrichissent de leurs rencontres artistiques ou simplement humaines.
Les Editons Robert Martin viennent de présenter la collection au Trio d’Argent reprenant en grande partie les compositions de François Daudin Clavaud.
 
QUESTIONS
à François Daudin Clavaud


Vous fêtez cette année 2014 les trente ans d’existence du Trio d’Argent avec plus de 1500 concerts. L’un d’entre vous pour une raison ou une autre s’est-il fait remplacé ?
Non, au grand jamais. Avec mes amis fondateurs, Michel Boizot et Xavier Saint-Bonnet, nous avons mis un point d’honneur à être toujours présent. Une seule fois, nous avons failli mais pas succombé. C’était un été, lors d'une série de concerts, nous devions jouer l'après-midi dans une clairière d'une forêt. Xavier Saint-Bonnet  s'est fait piquer la lèvre par un insecte. Il a tout de même assuré pour le concert la partie de flûte basse, seul instrument qui répondait à sa lèvre enflée. Nous n'aurions pas envisagé un remplacement au pied levé. Et puis avec nos concert-spectacles d’aujourd’hui cela serait quasiment impossible et surtout inconcevable de ne pas être tous les trois présents sur scène.

A quoi tient cette longévité du trio d'Argent ?
A notre complicité, à notre plaisir de création et découvertes musicales. Nous avons l'habitude de nous comparer à un vin issu de trois cépages aux caractères différents. Nous avons sur scène de nombreux réflexes en termes d'écoute, de placement, de rythme. C'est vrai que l'on peut jouer les yeux fermés avec une grande confiance au jeu de l'autre. Nous ne sommes pas blasés, loin s'en faut. Ce sont nos projets qui nous motivent et surtout celui de faire découvrir la musique contemporaine et ses compositeurs.

Au tout début de l'aventure, en 1984, sur quelle base de répertoire avez-vous structuré cet ensemble réunissant trois flûtistes ? 
Au sortir de notre formation à l’École Normale de musique de Paris, nous nous sommes réunis régulièrement tous les trois pour déchiffrer le répertoire existant, celui de la fin du  XIXème et XIXème siècle. La tradition classique de l'écriture en trio était incontournable pour les compositeurs de cette époque notamment pour les instruments à vent. Parallèlement, l'essor de l'orchestre et son pupitre de deux puis trois flûtes attirèrent un grand nombre de compositeurs. Le répertoire en trio de flûtes romantique et néoclassique reste donc conséquent et incontournable et son écriture en trio est très aérée.

Un soir de réveillon en 1983 avec mes deux amis, nous avons décidé de nous présenter en concert. Le trio d'Argent était né. Nous avons donné nos premiers concerts en piochant dans ce vaste répertoire pour trois grandes flûtes. D'ailleurs Jean-Pierre Rampal nous a conseillé et conforté dans cette démarche nous invitant à revisiter ce répertoire et acceptant tout comme Alain Marion de se joindre à nous pour quelques concerts.

Au début des années 1990, vous lancez les "Concerts-Spectacles". Comment conciliez-vous alors la rencontre de la musique contemporaine avec le grand public dans les premiers spectacles ?
Dès 1990, nous présentions qu'il nous fallait faire évoluer le concert instrumental à l'instar de ce que faisait depuis les années 1975 le Kronos Quartet, quatuor à cordes américain. Nous voulions faire du spectacle mais ne pas tomber dans la farce simplement faire partager l'intérêt pour les musiques nouvelles. C'est grâce à une rencontre, en 1993 lors d'un concert près de Nantes avec Jeff Havart, créateur de lumières qui nous proposa de réfléchir et concevoir des scénographies. Michel Boizot déjà comédien dans l'âme nous persuada de tenter l'entreprise. C'est ainsi que nous avons « habillé » les compositions contemporaines par un fil rouge menant l'auditeur et le spectateur de tableau en tableau avec des lumières, puis des vidéos et maintenant le traitement du son en temps réel.
Les premières compositions sont arrivées, celles de Claude Arrieu et Thierry Pécou puis, Ton That Tiet, Suzanne Giraud, Ashot Sograbjan, Luc Ferrari, Gualtiero Dazzi, Leon Milo, Bruno Ducol... Nous répertorions actuellement une cinquantaine de pièces dédicacées.
 
Plus vos compositions ?
Oui, j'ai commencé à écrire en 1989. J'ai à mon catalogue une vingtaine de pièces dédiées au Trio d’Argent et une quinzaine pour d’autres formations dont l’harmonie et le brass band.
 
Vous vous considérez comme autodidacte. Comment avez vous évolué en tant que compositeur ?
Grâce à une rencontre et un travail mené en 1997 avec Luc Ferrari. D'abord pour Asia en1997. Il m'a ouvert les portes de ce que l'on appelait encore à l'époque l'électroacoustique. Je m'intéressai aux sons. Lors de mes fréquents déplacements, je collectais les ambiances sonores que je mémorisais sur bandes magnétiques. Ne sachant pas trop comment les utiliser. C'est en travaillant avec Luc que j'ai inséré dans une de mes compositions Shanghai’s Bund certains passages mémorisés pendant les transitions de tableaux ou pendant les bascules de lumières.
J’ai poursuivi ce travail et grâce aux techniques modernes cela m’a amené à m’intéresser tout particulièrement à la synthèse du son et au traitement du son en temps réel. La réalisation de séquences interactives pour le spectacle “El Horizonte” m’a conduit avec le compositeur Leon Milo à créer Interact-Son, un concept d’improvisation assistée par ordinateur.

Et des adaptations ?
J’en ai fait très peu, deux uniquement. Les cinq divertimenti de Mozart pour trois cors de basset et l'opus 87 de Beethoven. Je me sens à l’étroit dans la transcription, je préfère donner libre court à mon inspiration. Je viens pourtant de transcrire plusieurs chansons mexicaines avec grand plaisir.

Etiez-vous édité ?
Non, mes compositions originales n'étaient pas éditées et souvent lors de ateliers concert que nous programmons dans les conservatoires, les partitions nous sont demandées. Nous sommes ravis de démarrer une collection portant le nom du Trio d'Argent aux éditions Robert Martin. Cela encouragera fortement de nouveaux  compositeurs à rejoindre notre aventure.
 
Une des premières pièces éditées fait référence aux Mexique, Deseo de Sol.

En effet, le Mexique est pour nous trois une terre initiatique. Dès nos débuts, en 1989, nous avons été invités par l'AFAA à nous produire lors d'une tournée de cinq semaines dans les Caraïbes, le Costa-Rica, le Guatemala et le Mexique. De ces pays, nous avons découvert les richesses musicales, le merengue, la salsa et surtout la musique des indiens de la région de Oaxaca. Lors de ces 12 concerts au Mexique, un peu marathon dans un pays à l'époque moins organisé que ce que nous connaissions en France, nous avons vécus des moments intenses. Pour nous trois, ce fut un véritable choc et nous avons été touché au cœur par ce pays et sa population.
Nous sommes retournés dès 1992 en tournée au Mexique et depuis nos avons tissés des liens très forts avec cette culture, ses musiciens et compositeurs.
Deseo de Sol, comme tout ce que m'inspire cette région n'est pas une réminiscence du folklore, encore moins celui de la flûte, c'est une photographie sonore, j'espère impressionniste.
 
C’est ainsi qu’en 2011, vous vous investissez pour l'année du Mexique en France ?
Nous avions compris l'esprit de cette communion entre musique populaire et musique savante si forte au Mexique. Son système constitutionnel laisse une place fondamentale aux particularismes et notamment aux dizaines de langues parlées par les Amérindiens. En ce qui concerne la musique, la région de Oaxaca conserve l'héritage des harmonies importées de France par Napoléon III qui instaura un éphémère Empire mexicain et en offrit la couronne à Maximilien. Après la chute de ce dernier, les indiens de cette région se sont appropriés cette culture musicale et chaque village se doit de posséder sa banda. Un village sans banda est comme mort.
Plusieurs centres éducatifs dans la région de Oaxaca, dont Zoogocho et Tlahuitoltepec, proposent en internat un cursus spécialisé de la maternelle au lycée pour la formation complète des futurs musiciens qui viendront eux-mêmes former d'autres jeunes musiciens dans les villages. Le musicien de la banda est très respecté, fait parti des notables et prend part aux grandes décisions. Les meilleurs éléments suivent pour leur part leurs cursus dans les universités du pays et deviennent d’excellents professionnels. Pour vous donner une idée du niveau, le jeune trompettiste Kuxy Mauro issu de l’un de ces centres est entré l’année dernière au CNSMDP.

Nous avions conçu un programme conséquent avec la venue d’une banda de musiciens issus de la Sierra Norte de Oaxaca et la création d’une de mes compositions, Otro Dia Ne Oaxaca, associant la banda et le Trio d’Argent. Egalement au programme, des compositeurs mexicains comme Ana Lara, Marcela Rodriguez, Mario Lavista...

Malheureusement, « l’affaire Cassez » a eu comme conséquence l’annulation de cette manifestation internationale. Dommage, nos amis mexicains n’ont pas compris que l‘on mélange culture et politique. Certains musiciens avaient fait des sacrifices pour se payer le passeport de 100 dollars. Les mexicains ne nous en pas tenu rigueur. Heureusement, nous avons pu monter ce programme au Mexique en novembre 2013 à Puebla, à Mexico. Ainsi qu’en France, avec l’Orchestre d’Harmonies de l’Ensemble Musical Crollois dirigés par Grégory Orlarey et avec l’Harmonie de Harnes en collaboration avec Coup de Vent à l’initiative de Philippe Langlet.

Vous aviez déjà écrit pour orchestre d’harmonie ?
Oui, à la demande de Yorick Kubiak qui m’avait demandé une composition pour les 140 ans de l’harmonie de Harnes. J’ai écrit en 2002, Carillon, puis une adaptation de ma pièce Freestyler, Rhapsodie 1906 et Renaissances 2012.

Vous avez d’autres projets pour orchestre d’harmonie ?
Oui mais avant j’attends la création de Rivages pour Brass Band. Rivages se réfère aux trois cotés d’un brass band placés en U. C’est le Brass Band de Pierre Dutot qui devrait la créer à Bordeaux.

Rivages, voyages, nomades. Ces termes semblent vous plaire ?
Oui, j’ai la chance de beaucoup voyager grâce à la flûte, au Trio d’Argent et surtout en inspiration. Le nomadisme m’inspire.
Notre dernier spectacle s’intitule Suite Nomade. J’ai d’abord composé la musique en pensant à des peuples nomades comme les mongols et les touaregs ou qui ont connu l’exode ou l’évacuation. Puis j’ai sélectionné quelques textes de grands auteurs français Anne Perrier, Le Clézio, Jean-Pierre Vernant… inspirés par ce thème. Sur scène, les huit pièces alternent avec les lectures dites par la comédienne Marie-Christine Barrault.

Quels sont les rencontres improbables que vous avez initiées entre le trio de flûtes et d’autres instruments ?
Je crois que l’on peut citer, le Djembé pour Figures Libres interprété avec Julien Goualo. Paroles de pas, avec Prabhu Edouard, percussionniste indien au tabla et la collaboration du scénographe Jean-Claude Gallotta pour la réalisation d’images sur le « pas ». Paroles de pas est un oratorio profane contemporain et multimédia avec projection vidéo, électroacoustique et traitement du son en temps réel d'une heure 25 minutes avec violoncelle baroque, mezzo soprano et trio de flûtes, plus danseur en vidéo.

Quels sont vos projets ?
Deux grands projets. L’un pour un nouveau spectacle associant des jeunes flûtistes des conservatoires. Les Jardins de Talbatak s’inspire d’une légende des indiens Abénakis (Quebec) autour des oiseaux. Cette composition rassemble trois ensembles de flûtes de niveaux techniques correspondant aux trois cycles des conservatoires, plus trois percussionnistes et le traitement du son en temps réel avec la collaboration de Leon Milo (Interact-Son). La création aura lieu en avril dans le cadre du Festival les Détours de Babel en collaboration avec le CRR de Grenoble.

Nous reprendrons ce projet à l’abbaye de Noirac avec l’insertion des images génératives du plasticien Miguel Chevalier.

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D’ici là, les spectateurs pourront nous voir et nous entendre au Triton ( Mairie des Lilas ) le 13 mars 2014 pour une création de Karol Beffa où lui-même improvisera au piano autour de sa composition, et le 15 mai pour la Suite Nomade avec la comédienne Marie-Christine Barrault.

Pour les flûtistes sensibles à notre musique, la collection Trio d’Argent aux éditions Robert Martin leur permettra de pénétrer dans notre univers.

Propos recueillis par Yves Rémy



Trio d'Argent et Banda Aires Oaxaquenos


Y.R.